Une histoire de solidarité potagère

Une histoire de solidarité potagère

AVEC SA FEMME CLÉMENCE, ILS ONT CRÉÉ LA TERRE EN PARTAGE, UNE FERME QUI VISE À RENDRE LE TEMPS DE PROCÉDURE D’ASILE CONSTRUCTIF GRÂCE À DES ACTIVITÉS SOLIDAIRES DE MARAÎCHAGE.

Une histoire de solidarité potagère

COMMENT VOUS EST VENUE L’IDÉE DE LA TERRE EN PARTAGE ? 

Ma femme Clémence et moi avions tous les deux envie de travailler ensemble - elle est spécialiste de l’entreprenariat social et moi chef d’orchestre - mais l’occasion ne s’était jamais encore présentée. Cela a changé il y a quelques années quand nous avons commencé à faire du bénévolat dans les camps de réfugiés à Paris. Le week-end, nous invitions les gars à venir passer quelques jours avec nous, chez nos parents à la campagne et ils prenaient du plaisir à jouer de la bêche. Nous avons réalisé à ce moment-là que le jardin était un bon terrain d’expérimentation pour faciliter l’insertion des demandeurs d’asile. 

COMMENT AVEZ-VOUS CONSTRUIT LE PROJET ? 

Nous avons voulu répondre, à travers le maraîchage, aux 3 problématiques liées à la procédure de demande d’asile : l’impossibilité de se former ou de travailler pendant la procédure, un moment qui est souvent vécu seul, et des journées qui manquent d’activités et de buts ! 

En 2016, on a repris un vieux domaine en Haute-Vienne, et on s’y est installé avec Clémence et les enfants. Nous avons préparé le terrain pendant un an et demi, en travaillant en amont avec les institutions locales, en rencontrant des associations présentes dans le coin, ce qui nous a permis de tisser des liens avec tout un tas de bénévoles, devenus des amis. On a bénéficié, on bénéficie toujours d’ailleurs, d’une très grande solidarité quotidienne : tous nos meubles par exemple nous ont été donnés par des gens du coin ou des amis, ce qui nous a permis d’être prêts en décembre 2018 et d’ouvrir notre lieu de vie :  La Terre en Partage. 

CONCRÈTEMENT, DE QUOI S’AGIT-IL ? 

La Terre en Partage, c’est un jardin en permaculture autour duquel se construisent des activités de maraîchage solidaire (au titre de l’OACAS*, comme pour Emmaüs), mais aussi un lieu d’hébergement et de vie participative de 19 places où l’on partage des savoirs et savoir-faire, comme les cours de langues avec les bénévoles du coin (une cinquantaine). L’idée, c’est qu’à la fin de leur séjour, les personnes qui vivent ici aient eu un temps actif, comprennent mieux la langue, ainsi que la société française et se soient, par la même occasion, fait des amis !

La Terre en partage une histoire de solidarité potagère !

À QUOI RESSEMBLE UNE JOURNÉE TYPE CHEZ VOUS ? 

On participe tous à la vie collective. La journée type est donc rythmée par plusieurs temps actifs.

Il y a l’activité de maraîchage pendant laquelle notre encadrant partage ses savoirs avec une équipe de 7 ou 8 gars.  Les compétences, ils les ont déjà plus ou moins : planter, semer, récolter, c’est universel. Ce qui est intéressant c’est surtout l’échange interculturel, on ne fait pas pousser les mêmes choses partout sur la planète donc on partage de nouvelles connaissances. Et puis on récolte le fruit de ce travail pour le cuisiner ensuite ! 

La préparation des repas se fait, elle, par équipe de 2 et pour tout le monde. Cela permet à tous de découvrir les spécificités culinaires de chacun mais surtout de vivre ensemble à travers la cuisine. On échange des recettes, des saveurs, des émotions. On découvre de nouvelles techniques mais aussi le français en mettant des mots sur les goûts. On pratique également pas mal la cuisine inversée : apprendre à cuire le riz comme un afghan ça change la donne ! Les demandeurs d’asile interviennent d’ailleurs dans les cantines scolaires de temps en temps. 

Quand ils ne sont pas au jardin ou en cuisine, les gars sont soit en cours de français, soit en rendez-vous individuels (pour préparer l’après) soit ils profitent d’un moment de repos car cela peut être fatiguant d’être immergé dans une autre culture en continu.

QUELLE EST LA CHOSE LA PLUS SURPRENANTE QUE VOUS AYEZ APPRISE DANS CETTE AVENTURE ? 

L’intérêt de la population locale ! Les gens du coin viennent acheter leurs légumes à la ferme, certains nous appellent pour nous dire qu’ils ont du temps libre à offrir pour des cours de langues, du bricolage, des animations etc. Certains se révèlent d’ailleurs être d’excellents professeurs alors qu’ils n’ont jamais donné de cours de leur vie.  C’est fou, parce que cela a créé un incroyable tissu social autour de nous : on compte plus d’une cinquantaine de bénévoles et quelques quatre-vingt-dix adhérents !

QU’EST-CE QUI VOUS REND LE PLUS FIER ?

Voir des gars qui arrivaient un peu perdus et qui repartent avec des repères et de l’espérance. Ce temps a été actif et constructif et ce qu’ils ont appris ici, les personnes qu’ils ont rencontrées, c’est pour la vie ! 

UN PETIT RITUEL ?

Match de foot, anniversaires, naissance des poussins, obtention de papiers, etc. ce lieu de vie c’est surtout un lieu où toutes les occasions sont bonnes pour faire la fête et créer du lien !

DES CONSEILS À DONNER À QUI VOUDRAIT SE LANCER DANS UNE AVENTURE SIMILAIRE ? 

Il faut avoir la tête sur les épaules et bien s’entourer. La ferme n’est qu’un support, c’est grâce au collectif qu’on avance. On a besoin des compétences de chacun pour identifier ses limites et ainsi les dépasser avec l’aide des autres ! 

La Terre en partage une histoire de solidarité potagère !

UN SOUVENIR EN BOCAL ? 

Les bocaux nous rappellent les beaux moments d’été.  Quand on ouvre une conserve en hiver, on se souvient bien sûr des récoltes, mais surtout du moment de la préparation, de la recette, que l’on retrouve avec ce goût « wahou » ! 

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